Bande Passante
Emma Cozzani, Juliette Liautaud, Raphaël Emine et Eglé Vismanté
EXPOSITION DES ARTISTES EN RESIDENCE (12 AOÛT 2017)
Cette année la résidence a accueilli quatre artistes : Emma Cozzani, Raphaël Emine, Juliette Liautaud et Eglé Vismante. Pendant un mois ils se sont petit à petit familiarisé avec les lieux et ont produit des oeuvres qui ont su s’inscrire dans cet espace d’exposition difficile à aborder. Malgré la chaleur et l’ambiance estivale, chacun a su persévérer et mener à bien ses projets afin de nous offrir une exposition remarquable. BANDE PASSANTE se place sous le signe du transfert tel qu’on l’emploi pour parler de nos données numériques. Tout d’abord le diaporama « Herbier » de Juliette Liautaud, série de photos qui fait écho à son installation « Charpente » dans le même espace et qui révèle de petites plantes qui ont poussé près des parois de l’atelier, cachées sous la poussière et le bois entreposé. Des touches lumières ponctuent leur présence et offrent un tableau poétique et étrange de la petite vie qui se développe discrètement ici et à laquelle les usagers du lieu ne prêtent pas forcément attention. Dans un autre registre « U focu » est une vidéo diffusée sur tablette numérique. Il s’agit de la captation d’une photographie Polaroïd trouvé par l’artiste dans sa maison familiale, sur laquelle on voit un feu émerger d’une forêt verdoyante. La photo flotte dans l’eau d’une rivière et le reflet du soleil anime le feu passé de cette image anonyme, au coeur d’un été cerné par les incendies. Son installation vidéo « Onde » capte de la même manière la lumière dansante du soleil sur l’eau qui se reflète sur un rocher de rivière. La bande sonore, complètement artificielle, a été conçue par l’artiste à partir de bruitages et de sons de chasse d’eau. Elle contribue à donner une intensité fantastique à la petite scène rythmée par un montage qui brouille la notion de durée, qui maintient une douce tension hypnotique.
La vidéo d’Eglé Vismante « Ici la voix » est d’un tout autre ordre. Elle aussi installée dans la nuit, à l’extérieur, elle possède l’aura d’une apparition surnaturelle. Dépeignant en quelques minutes un univers imaginaire emprunt de l’atmosphère locale, dans lequel un lit se donne à voir comme une île et dont les draps sont des vagues animées ou modélisent un paysage, et dont les actrices principales sont des vaches… C’est une sorte de vanité bovine réalisé avec un humour subtil et une technique maîtrisée. Avec la même légèreté l’artiste a également réalisé une installation sonore. Le visiteur était invité à s’installer confortablement dans une chaise longue afin d’écouter au casque une voix rassurante au débit lent, appelant au calme et énonçant des indications à suivre en cas d’incendie, le résultat oscillant entre une séance d’hypnose et des consignes de sécurité telles qu’on les trouve à bord d’un avion. Ainsi n’est-ce peut-être pas complètement sans lien si un avion se retrouve tracé au sol de l’exposition. « Ex machina » est un dessin à la craie réalisé à l’échelle 1 à partir d’un schéma technique du Blériot XI, un des premiers avions de série fonctionnel de l’histoire de l’aviation, à bord duquel un certain Edouard Bague aurait tenté de traverser la méditerranée jusqu’en Corse où on ne l’aurait jamais retrouvé. Dans l’esprit de l’artiste, l’histoire pourrait coïncider à quelques jours près avec le récit d’un berger de Popolasca qui aurait vu dans le ciel quelques nuits plus tard un spectacle incompréhensible, qu’il aurait décrit comme « une lutte entre Dieu et le Diable ». Cet avion réapparait ici garé dans l’atelier des Charpentiers de la Corse, grand comme un aérodrome, esquissant sa fragilité et son aura divine.
La visite se poursuit avec les oeuvres de Raphaël Emine, qui a réalisé des sculptures dont les formes reprennent sans équivoque l’image d’émetteur d’ondes radioélectriques, renforçant l’atmosphère de transmission immatérielle au sein de l’exposition. Ces oeuvres ont suivi un chemin de conception semé de rencontres et d’échanges patiemment menés par l’artiste au fil de sa résidence. Souhaitant avant tout s’imprégner des lieux et en découvrir les richesses et particularités qui pourraient donner l’amorce nécessaire à son processus de travail, il part tout d’abord à la recherche de plantes endémiques et va en parallèle entrer en contact avec des artisans locaux. Sa rencontre à Calanzana avec la vannière Annick Rony va lui permettre de produire un panier parabolique en herbes du maquis à partir duquel il va penser et concevoir ses sculptures.
Emma Cozzani a quant à elle entreprit de détourner le pont roulant qui sert habituellement à la fabrication de charpentes afin de réaliser sa vidéo « Travelling ». L’image avance lentement le long de la façade intérieure de l’atelier et le paysage montagneux défile ça et là au travers de la percée des fenêtres du bâtiment en construction, tel le mouvement gigantesque d’un paquebot quittant le port. La bande sonore plutôt silencieuse est ponctuée du son de la sirène de mise en route de la machine, peut-être en écho à ce mouvement maritime onirique. La pièce sonore « Ressac » témoigne elle aussi de la fascination de l’artiste pour la mer. Quatre petits hauts-parleurs diffusent des sons captés sur les rivages de l’île, et leur spatialisation synchronisée recrée la sensation de balancement propre au ressac des vagues sur les rochers.